Les Evapores | Théâtre De L'union

Cependant, il ne s'agit pas pour Delphine Hecquet de condamner, de poser un jugement ou de nous informer. Il s'agit plutôt d'explorer le halo vaporeux qui entoure ce phénomène. Dire et Parler Un jeune journaliste part au Japon pour enquêter. Il y rencontre plusieurs personnes, ceux qui demeurent, ceux qui ont vu un de leur proche disparaître ou plutôt, comme le dit un des personnages, s'évaporer comme l'eau dans une casserole que l'on aurait laissée trop longtemps sur le feu. En ce sens, la pièce est une sorte d'exploration de la pensée et de l'intériorité des personnages qui se confient sur le brutal changement que provoque une telle situation. Le public assiste à ces confessions avec attention car chaque mot est pesé, fin, incisif. Les évaporés la tempête tembin. Que ce soit les dialogues, les monologues, les apartés voire les silences, tout se déploie avec une puissance qui fait ressentir tout le poids d'une société où le déshonneur sonne le glas. La force de la pièce de Delphine Hecquet est son épure. Aucune scorie, aucune fioriture, aucun ornement de la voix et de la parole, tout est dit avec acuité et d'une manière si pure que la dimension tragique ne peut s'en trouver que renforcer.

Les Evaporates La Tempete De

Je dînais dans le grand restaurant de la ville de Yellowknife dans les Territoires du Nord Ouest au Canada. Je mangeais seul quand un individu me dévisagea. Il me dit en anglais: « Are you going to disappear? » – What are you talking about? – How to disappear completely? You know what I mean? – No, I don't know. Le plus étrange dans l'histoire, c'est que je comprenais instantanément ce qu'il me disait en anglais, comme si je n'avais pas besoin de faire la traduction… – Pourquoi venir ici si ce n'est pour vous évaporer? Nous venons tous pour cela. Certains reviennent, d'autres pas. – Je suis ici en vacances. Je rends visite à ma soeur. LES EVAPORES - Théâtre de la Tempête (Salle Copi). – Et c'est un hasard si vous lisez Thoreau ici, even in French? – Euh… Oui… Non… Mais… vous parliez de disparaître? – Vous n'avez pas entendu parler de la dernière? La Japonaise? Elle est venue seule, a réservé ici, dans cet hôtel. Ça fait deux jours qu'on ne l'a plus revue. Les gens de l'hôtel ont frappé à sa porte, aucune réponse. Ils ont ouvert mais elle n'était pas là.

J'ai écrit deux questionnaires, l'un pour évaporé et l'autre pour proche d'évaporé, en demandant à ces gens de choisir l'un des deux et d'imaginer les réponses. Il s'agissait d'inventer un personnage, ce qui les protégeait de toute confession trop intime. Pour ma part, foncer ainsi dans l'inconnu, aller jusqu'à éprouver mon propre sentiment d'évaporation, est la meilleure façon qui soit d'éveiller mon imaginaire. L'errance m'inspire. » Comme peut happer ce vertigineux « jōhatsu », signifiant autant la disparition qu'il ne désigne le passage de l'état liquide à l'état gazeux. « Les Évaporés », le ballet des solitudes. « Dans la pièce, une jeune femme fille dit de son père qu'il s'est évaporé et non pas qu'il a disparu. Il s'est métamorphosé comme l'eau se change en vapeur » "Pourquoi reviens-tu? Je ne t'aime plus, je t'ai trop attendue" Place donc à la fiction. Celle d'un journaliste français parti enquêter dans ce pays où l'échec se vit comme un déshonneur. C'est le fil rouge de la pièce et le regard occidental. À ses côtés sur scène, et à l'écran, interprétés par des comédiens japonais, des femmes et des hommes, plus là, toujours là.