La Leçon De Guitare Balthus

Comparons, alors: Enguerrand Quarton, "La Pietà de Villeneuve-lès-Avignon", Villeneuve-lès-Avignon, musée Balthus, étude pour "La leçon de guitare" Oui, c'est possible; mais alors si l'on ne tient compte que de la forme que prend le buste et du bras droit tombant vers le sol. Irait-on jusqu'à supposer qu'il y a un parallèle entre mort et petite-mort? Mais alors, et si tel est le cas, quel blasphème que de comparer le corps du Christ mort avec celui d'une jeune fille qui vient de jouir! (Après tout, on ne sait pas si cette main se retire, ou si elle s'approche). Ce que je trouve souvent étrange et ambigu chez Balthus, c'est la forme même du corps des jeunes filles, et des modèles en général. Prenons en détail la jeune en pâmoison: Il y a ici quelque chose du pantin, du mannequin. Regardez un peu les jambes, les hanches, le ventre. Et ce visage, tout de même assez inexpressif… Est-elle évanouie? Et constatez ce noir béant provoqué par le renversement de la jupe. Étonnant. Il y avait une manière assez rigide chez Balthus de peindre.

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Le visage de son agresseur est un mystère, il semble particulièrement paisible, vitreux pour une action pourtant si violente. Cette scène ne manque pas de nous faire penser au tableau que Balthus avait entrepris à la même période « La leçon de guitare », laissant voir une fillette, à la veste rouge et aux socquettes blanches elle aussi, se faire empoigner de part et d'autre par son agresseur, une femme dans ce cas-là. La comparaison nous intéresse d'autant plus si l'on se focalise sous l'angle de l'instrument. La femme qui agresse dans la « Leçon de guitare » tire les cheveux de la jeune fille comme on tire les cordes d'une guitare. De la même manière, l'homme de « La Rue » prend en mains l'enfant comme on pourrait le faire avec un violoncelle ou une guitare. Son regard baissé et fiévreux s'apparente alors à celui d'un musicien qui écoute la mélodie qu'il produit. Il n'y a alors plus qu'un pas à faire pour voir cet acte comme une pure instrumentalisation de la jeune fille, un jeu de pouvoir et de domination dont il est le maître.

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Culture Quatorze ans après sa mort, les galeries s'arrachent ses peintures. Mais son œuvre, exposée à la galerie Gagosian, à Paris, n'a rien perdu de sa trouble séduction. De son vivant, ses peintures de jeunes filles alanguies choquaient. Quatorze ans après sa mort, les galeries se les arrachent. Le poète Antonin Artaud disait de la peinture de Balthasar Klossowski de Rola – alias Balthus – qu'elle sentait « la peste, la tempête, les épidémies ». A-t-elle perdu aujourd'hui cette fragrance vénéneuse pour que la galerie Gagosian lui consacre une grande exposition à Paris après celle, en 2013, de ses Polaroid à New York? Avouons-le, le marché est souvent puritain. Il plébiscite une œuvre vidée de tout soupçon, en l'occurrence pédophilique, seulement lorsque les milliardaires peuvent l'afficher en toute quiétude comme un trophée. Hier scandaleux, le peintre d'adolescentes alanguies aux poses suggestives serait-il aujourd'hui fréquentable? A vrai dire, l'artiste décédé en 2001 a toujours été Janus, sulfureux et rassurant à la fois.

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Pourquoi ne pas avoir montré les polaroïds, qui sont certainement ses productions les plus sulfureuses? D'abord parce qu'ils ont un statut d'œuvres préparatoires. Balthus les envisagea comme une méthode artistique, destinée à remplacer le dessin et les esquisses, à partir du moment où il ne fut plus en mesure d'en faire. Et nous voulions dès le début nous concentrer sur la peinture où s'exprime la quintessence de son travail artistique. Aussi, comme la Fondation Beyeler est éclairée par la lumière du jour, il aurait fallu fermer les toits en verre pour exposer ces œuvres, par nature très sensibles à la lumière. Nous voulions aussi éviter cela. La position de Balthus à propos de la nature problématique des sujets qu'il peint ne va pas sans une certaine ambiguïté. Il semble tantôt assumer, tantôt rejeter leur dimension érotique… Il faut se souvenir qu'il a vécu longtemps, de sorte que ce qu'il dit dans les années 1930 peut être différent des propos qu'il tient quand il a plus de 70 ans. Dans sa correspondance des années 1930 avec Antoinette de Watteville, sa première femme, il écrit que sa première exposition à Galerie Pierre à Paris en 1934 a été conçue pour créer un scandale, attirer l'attention, à travers les sujets érotiques.

Balthus est une figure solitaire, mais jusqu'à un certain point seulement. Il a également des liens amicaux avec certains artistes d'avant-garde, notamment une amitié très étroite avec Giacometti. Leur échange se situe à un niveau intellectuel, plus que visuel. De même avec Picasso, qui a d'ailleurs acheté une de ses œuvres majeures dans les années 1940, Les enfants Blanchard, et qui s'intéressait bien sûr aussi à a tradition de l'art. Il n'est donc pas coupé de ses contemporains. Son parcours a quelque chose de légendaire. Il publie son premier livre illustré à 12 ans à peine, avec une préface de Rilke. Quelle est sa formation? Il grandit dans un contexte artistique, avec un père historien de l'art et une mère artiste peintre, qui tient un salon. Il est entouré par des artistes et littéraires comme Pierre Bonnard ou Rainer Maria Rilke. Mais bien qu'il se soit largement référé aux anciens maîtres, il a un parcours non académique. Il est un autodidacte, qui va au Louvre faire des copies.